samedi, 27 juillet 2024
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Jules Minamo : « Je ne pense pas que la KPDC subira les affres de la concurrence dans son secteur »

EcoFinances : Face à la concurrence qui arrive dans le marché de l’électricité au Cameroun, avec la mise en service prochaine du barrage de Nachtigal (NHPC), le conseil d’administration de KPDC vient de nommer Frédéric Didier Mvondo au poste de directeur général. Une nouvelle fonction qu’il occupe depuis le 1er janvier 2023. Pensez-vous qu’il y aura concurrence entre KPDC et NHPC sur le marché de l’électricité ? Si oui, pourquoi ? Si non, pourquoi ?

Jules Minamo : Je voudrais tout d’abord m’employer à adresser mes vives félicitations à mon ancien collègue et ami Frédéric Didier Mvondo pour la confiance qui lui a été renouvelée par le conseil d’administration de Globeleq en faisant de lui le directeur général (DG) de la Kribi Power Development Company en abrégé KPDC. Je me dois également de rappeler à l’attention de vos lecteurs que suivant les dispositions statutaires de la KPDC, c’est la firme Globeleq qui a le privilège de choisir le DG tandis que l’Etat du Cameroun assure la présidence du conseil d’administration.

Pour revenir à votre question, je ne pense pas que la KPDC subira les affres de la concurrence dans son secteur. En effet, le secteur de l’électricité est un marché oligopolistique régulé dans lequel chaque producteur indépendant d’électricité s’assure obligatoirement de la rentabilité de ses investissements en trouvant des débouchés certains pour donner satisfaction à ses investissements.

En l’espèce, les sociétés KPDC et Nachtigal ont signé des contrats d’achat par ENEO (Power Plant Agreement) Cameroun de la totalité de l’énergie qu’ils doivent produire. Ces contrats stipulent que pendant une durée spécifique, ENEO aura l’obligation d’acheter toute l’énergie produite par chacune desdites entités.

En outre, ces contrats sont définis sur des modèles contraignants appelés « Take or Pay Agreement ». En d’autres termes, si ENEO (Energy of Cameroon) ne consomme pas toute ou partie de l’énergie produite par l’une des entités avec laquelle elle a contracté, il paiera toujours quelque chose en vertu du contrat.

En effet, dans la convention qui lie la KPDC à ENEO, le prix final est structuré en trois dimensions : le prix correspondant à la capacité de production installée  » Capacity Fee  » qui rémunère les investissements des parties prenantes ( Bailleurs de fonds et actionnaires) ;  le prix correspondant à  la consommation minimale (obligatoire) de gaz naturel requis par la SNH (Société nationale des hydrocarbures)  dans son contrat avec la KPDC que cette dernière réplique à ENEO, qui est le « Take or Pay Gas Agreement ». Et, enfin, le prix correspondant à l’énergie consommée par ENEO et produite par la KPDC au-delà du minimum de gaz naturel requis dans son contrat avec la SNH, qui est l’« Additional Energy Fee ».

Par conséquent, si on part de l’hypothèse qu’avec l’entrée en production de Nachtigal, ENEO ne fera plus de demande d’énergie à la KPDC parce que l’eau coûte moins chère que le gaz naturel, la KPDC recevra toujours d’ENEO, jusqu’à la fin de son contrat, un paiement équivalent à la Capacité de production installée à Kribi (216 MW) auquel ENEO devra ajouter le prix correspondant à la consommation obligatoire de gaz naturel.

Une vue des installations de la KPDC à Kribi.

EF : S’il n’y a donc pas de concurrence dans ce marché, qu’est-ce qui selon vous aurait pu amener le Minee (ministre de l’Eau et de l’énergie) à en faire mention dans son communiqué de ces derniers jours ?

JM : Il me semble que le Minee a plutôt voulu faire allusion à la concurrence sur l’utilisation des ressources utilisées par ces entreprises pour produire l’électricité. En effet, la KPDC utilise comme source de production de l’électricité le gaz naturel produit par la SNH, alors que Nachtigal utilise de l’eau du fleuve éponyme pour produire l’électricité. Par conséquent, la concurrence se fera entre l’utilisation de l’eau et l’utilisation du gaz naturel au-delà du minimum contractuel prévu dans le contrat liant la KPDC à la SNH. La KPDC pourra probablement souffrir d’une baisse de chiffres d’affaires, sauf que celle-ci n’aura fondamentalement aucune incidence sur sa Rentabilité opérationnelle et financière. Pour dire simple, la KPDC ne perdra aucun franc pour rémunérer ses actionnaires et ses bailleurs de fonds.

EF : Avec les différents projets de construction de barrages et autres infrastructures de production de l’énergie électrique, qui sont en cours dans le pays, n’est-il pas bon de faire jouer la concurrence entre les différents acteurs, afin de permettre aux ménages et autres d’avoir à terme une énergie de qualité à un prix accessible ?

JM : Le marché de l’électricité dans notre pays est régulé par l’Agence de régulation du secteur de l’électricité (Arsel) qui, dans sa mission, a pour boussole la loi No 2011/022 du 14 décembre 2011 régissant le secteur de l’électricité au Cameroun, le Règlement de service et le Plan de développement du secteur de l’électricité. La loi sur l’électricité prévoit dans ses dispositions que toute entreprise régulièrement constituée au Cameroun et ayant les ambitions de produire l’électricité au-delà de 1 MW (mégawatt) a le droit de se constituer comme Producteur indépendant et de vendre son énergie à toute organisation qui lui en fera la demande.

Les clients susceptibles d’acheter l’électricité de ces investisseurs indépendants doivent avoir des besoins en énergie électrique au moins égale à 1 MW de puissance. Pourtant, la loi sur l’électricité distingue les clients Haute Tension des clients Moyenne Tension, et des clients Basse Tension que sont les ménages. En outre, la loi sur l’électricité n’autorise pas les Producteurs indépendants d’énergie électrique à vendre directement leur production aux ménages (Clients Basse Tension). Pour le faire, ils doivent obligatoirement passer par ENEO, qui a le monopole de la gestion du réseau Basse Tension. A contrario, les investisseurs indépendants devront vendre leur production aux entreprises qui sont mieux disants.

En somme, la concurrence se trouve donc au niveau des clients Haute Tension et Moyenne Tension, les clients Basse Tension n’étant que des preneurs de prix régulé pour lesquels l’Etat, à travers le régulateur du secteur, s’efforce à encadrer et à contrôler de manière rigide pour éviter une envolée négative du pouvoir d’achat.

Propos recueillis par EcoFinances

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