lundi, 07 juillet 2025
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Serge Armel Njidjou, fondateur et DG d’AUI Techno :‹‹ au VivaTech 2025 à Paris, nous avons vu un réel intérêt pour notre approche souveraine, adaptée et durable››

La couveuse solaire interactive Mawouo, conçue et fabriquée en Afrique, connectée à une plateforme de télésuivi néonatal, était parmi les produits innovants que les nombreux visiteurs du plus grand salon de l’innovation d’Europe (VivaTech 2025) ont largement apprécié la semaine dernière (du 17 au 20 juin 2025) à Paris. Cette solution phare de l’Agence universitaire pour l’innovation (AUI Techno) dont le fondateur et directeur général n’est autre que l’ingénieur camerounais Serge Armel Njidjou était bel et bien présent au VivaTech 2025. Cette fois pas comme visiteur avide de voir les tendances technologiques, mais plutôt comme exposant (04 jours avec les professionnels). Pas pour exposer juste un prototype ou un concept, mais des résultats concrets, des vies sauvées, une chaîne de production installée, un modèle économique validé. Serge Armel Njidjou, fondateur et DG d’AUI Techno revient, dans cette interview accordée à EcoFinances.Net, sur les leçons tirées de sa participation au salon VivaTech 2025, tout comme il lève un pan de voile sur les projets en cours ainsi que sur les performances de l’entreprise dont il a la charge.

(EcoFinances.Net-EFN) – Monsieur le fondateur et directeur général d’AUI Techno, vous venez de représenter la technologie camerounaise au plus grand salon d’innovation d’Europe (Viva Tech 2025). Pourquoi y avoir participé une nouvelle fois ?

Serge Armel Njidjou (SAN) : VivaTech est bien plus qu’un salon, c’est la vitrine mondiale de ce que l’innovation peut offrir de plus audacieux et d’utile. Pour AUI Techno, c’est une opportunité stratégique de faire rayonner le savoir-faire camerounais sur la scène internationale. Nous y sommes revenus avec la conviction que notre technologie peut contribuer à résoudre des problèmes vitaux sur le continent, notamment en matière de santé néonatale. C’était aussi une occasion de tisser des partenariats structurants pour notre croissance panafricaine. Nous avons rencontré beaucoup d’africains intéressés par le déploiement de notre technologie dans leur pays. Nous avons rencontré des startups qui peuvent apporter une plus value à notre solution, notamment par l’intelligence artificielle.

EFN : Vous n’y êtes pas allé les mains vides. Qu’avez-vous exposé comme innovations au VivaTech 2025 à Paris ?

SAN : Nous avons présenté notre solution phare : la couveuse solaire interactive MAWOUO, conçue et fabriquée en Afrique, connectée à une plateforme de télésuivi néonatal. Mais nous avons également mis en avant notre table radiante et notre unité de photothérapie, ainsi que le programme VitaShare, un modèle innovant de fourniture à l’usage (pay-per-use) des équipements médicaux. Notre dispositif a déjà permis de sauver plus de 1500 nourrissons avec près de 200 équipements en fonctionnement, et nous visons 10 000 couveuses pour sauver 100 000 bébés d’ici 2032.

EFN : Quelles leçons avez-vous tiré de votre participation au Viva Tech 2025 ?

SAN : La première leçon, c’est que l’Afrique n’est pas marginale dans les préoccupations d’innovation : elle est au centre de nombreuses attentes. La seconde, c’est que la frugalité technologique bien pensée est très respectée. Nous avons vu un réel intérêt pour notre approche souveraine, adaptée et durable. Enfin, nous avons compris l’importance de renforcer nos capacités numériques, notamment pour la plateforme de télésuivi, en lien avec des acteurs comme Orange, AWS ou Atos. Beaucoup de startups européennes ciblent clairement le marché africain, avec des moyens importants et un écosystème mature. Nous risquons d’être figé sur une consommation internationale, si nous ne nous réveillons pas promptement.

EFN : Ce n’est pas la première fois qu’AUI Techno participe au Viva Tech. En quoi votre présence à l’édition 2025 est-elle différente ?

SAN : Nous y avons été deux fois, comme visiteur, avide de voir les tendances technologiques. Il y a une seule journée pour le grand public. Mais cette année, nous y sommes allés comme exposant (4 jours avec les professionnels), pas pour exposer juste un prototype ou un concept, mais une solution éprouvée. Nous avons présenté des résultats concrets, des vies sauvées, une chaîne de production installée, un modèle économique validé. Nous devons maintenant franchir un cap : celui de la scalabilité. De plus, nous étions présents sur le pavillon Orange international, ce qui nous a offert une visibilité exceptionnelle. C’était aussi l’occasion de montrer que la fabrication technologique en Afrique est une réalité possible et efficace.

EFN : AUI Techno a attiré les chaînes internationales durant cet événement. Comment comprendre cet intérêt des médias internationaux pour ce que vous faites ?

SAN : Je crois que notre histoire est inspirante. Elle parle de courage, d’utilité sociale, de technologie pensée pour sauver des vies, dans un contexte souvent perçu comme hostile à l’innovation. Une start-up camerounaise qui fabrique des dispositifs médicaux solaires et connectés, qui fonctionne sans dépendre d’importations massives, attire l’attention parce qu’elle casse les stéréotypes. Ce que nous faisons redonne de l’espoir, et cela suscite naturellement l’intérêt. Les gens ont toujours du mal à croire que nous fabriquons au Cameroun.

EFN : Le Cameroun et la zone Cemac sont actuellement vos marchés principaux. Avez-vous un projet d’expansion à l’échelle africaine ?

SAN : Oui, et il est déjà en cours. Nous avons récemment terminé une accélération de six mois au Sénégal, au sein de la Sonatel, filiale d’Orange. Nous avons déjà eu des opérations commerciales dans plusieurs pays. Nous allons maintenant structurer une présence effective dans une dizaine de pays pour asseoir un déploiement commercial panafricain, avec en ligne de mire la Guinée, le Mali, le Bénin, la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso, la RDC. Notre objectif est clair : 10 000 couveuses, 100 000 vies sauvées annuellement, sur 10 pays, d’ici 6 à 8 ans. Il nous faut lever 01 millions d’euros (65,6 milliards de FCFA)pour cette ambition.

EFN : Quels sont les défis actuels et que pourrait faire le gouvernement camerounais pour vous aider à mieux vous déployer à l’international ?

SAN : Nous avons besoin de quatre choses : des politiques de soutien à la commande publique locale, une fiscalité incitative pour l’innovation industrielle, l’émergence d’une filière solide de capital-risque et un cadre normatif plus fluide notamment pour l’homologation médicale. À l’international, la crédibilité d’une solution dépend aussi du soutien de son pays d’origine. Une meilleure diplomatie économique, un appui à la normalisation, et des dispositifs de garantie à l’exportation pourraient grandement nous aider. Ce que nous construisons dépasse AUI Techno : c’est un exemple de souveraineté technologique africaine.

EFN : Quelles sont les performances actuelles d’AUI Techno ?

SAN : À ce jour, nous avons fabriqué et déployé près de 200 équipements, formé plus de 300 professionnels de santé, et sauvé plus de 1 500 bébés prématurés. Nous travaillons avec des partenaires comme Orange, Addax Petroleum, Boissons du Cameroun, Perenco et bien d’autres. En 2024, notre chiffre d’affaires global a dépassé 100 millions de francs. Nous voulons maintenant développer avec les hôpitaux privés un modèle de leasing ou de pay-per-use (paiement à l’usage) pour doubler notre chiffre d’affaires. Nous allons devoir muscler notre plateforme numérique pour permettre une expérience de télémédecine fluide en néonatalogie, mais aussi assurer la formation à distance des acteurs.

EFN : Un mot pour la fin ?

SAN : Je crois profondément que l’Afrique peut innover pour elle-même. Il ne s’agit pas de copier les modèles du Nord, mais d’inventer ceux qui répondent à nos urgences avec nos moyens. AUI Techno est un symbole vivant de cette capacité. Et j’invite tous ceux qui croient à cette ambition à nous rejoindre. Ensemble, nous pouvons sauver des milliers de vies et réconcilier l’Afrique avec la haute technologie utile et accessible.

Propos recueillis par Joseph Roland Djotié

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