(EcoFinances) – Le spectre de la dévaluation du Franc CFA de la zone Cemac (Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad et RCA), était presque le seul sujet à l’ordre du jour lors du sommet extraordinaire des chefs d’Etat de la sous-région le 23 décembre 2016 à Yaoundé, en présence de l’ex-ministre français des Finances, Michel Sapin, et de l’ancienne directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde. Même s’il était aussi question pour les chefs d’Etat de trouver des solutions susceptibles de permettre le redressement de l’économie des six pays de la Cemac, en crise depuis les chute des cours des matières premières (notamment, le pétrole) intervenue dès juillet 2014.
Une situation déjà vécue par les populations de la Cemac (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale) au début des années 1990, mais qui s’est (malheureusement) matérialisée en 1994, plongeant pendant plusieurs décennies les habitants de la sous-région dans une pauvreté indescriptible.
Dévaluation du FCFA, une idée effrayante écartée par les chefs d’Etat de la Cemac
C’est donc cette idée effrayante d’une autre dévaluation du Franc CFA de la zone Cemac que les chefs d’Etat de la sous-région, réunis le 23 décembre 2016 à Yaoundé , ont réussi à écarter en adoptant plutôt un train de mesures (21 résolutions) au sortir de leur rencontre de Yaoundé. Lesquelles ont, sept après ans, produit des résultats que les experts qualifient de satisfaisants. Notamment, en ce qui concerne la stabilité de la monnaie.
Parmi les 21 résolutions prises aux fins de redresser l’économie de la sous-région au sortir du sommet extraordinaire de décembre 2016, les chefs d’Etat avaient, entre autres mesures, décidé (en matière de politique monétaire) du gel des plafonds des avances statutaires de la BEAC (Banque des Etats de l’Afrique centrale) au niveau fixé sur la base des recettes budgétaires de l’exercice 2014 ; prescrit le renforcement de la stabilité financière de la zone CEMAC par une surveillance accrue du système bancaire et une utilisation optimale des instruments de politique monétaire. Tout comme ils avaient engagé la BEAC à proposer à brève échéance, en faveur des Etats, des mesures visant à promouvoir la migration progressive vers le financement par les marchés de capitaux, en substitution des financements directs de la Banque Centrale.
Sept après, de 2016 à 2023, l’on peut donc voir que les efforts fournis par l’Etat à l’effet de stabiliser le Franc CFA ont donc porté des fruits, comme l’atteste le président camerounais, Paul Biya, dans son bilan clairement détaillé dans le dossier de presse de la 15ème session ordinaire de la conférence des chefs d’Etat de la Cemac qu’il a présidée en tant que président en exercice de la Cemac le 17 mars 2023 à Yaoundé.
« Les directives des chefs d’Etat et les recommandations formulées en cette circonstance (au cours du sommet extraordinaire des chefs d’Etat de la Cemac du 23 décembre 2016 à Yaoundé) avaient fait l’objet d’une évaluation positive lors du sommet extraordinaire de 2019. Cette session avait noté un redressement macro-économique au sein de l’espace communautaire, caractérisé par le retour à une croissance positive, la maîtrise de l’inflation, une forte réduction des déficits budgétaires et courants. Les chefs d’Etat avaient ainsi salué la reconstitution des réserves de change communautaires permettant de préserver le régime de change à parité fixe du FCFA, évitant ainsi la dévaluation tant redoutée », indique le document.
Plus de 7000 milliards de FCFA (contre 2000 milliards en 2016) de réserves de change reconstituées, plus de 12 000 milliards de FCFA de rétrocession des devises à la BEAC
Selon le gouverneur de la BEAC, Abbas Mahamat Tolli, qui s’est entretenu avec la presse avant la conférence des chefs d’Etat de la Cemac du 17 mars dernier, les réformes déployées ont permis de reconstituer les réserves de change au point où celles-ci sont passées d’à peine 2000 milliards de FCFA en 2016 à plus de 7000 milliards de FCFA aujourd’hui. Grâce à la règlementation des changes, la Banque centrale a réussi à obliger les acteurs économiques (et les multinationales, notamment) à rapatrier leurs recettes d’exportation. Ce qui a, apprend-on, permis à la Banque centrale de terminer l’exercice 2022 avec 12 000 milliards de FCFA de rétrocession des devises.
« En ce qui concerne l’état général de la Banque centrale, l’une des résolutions les plus importantes de toutes a été de veiller à la soutenabilité de notre monnaie sur le long terme, le tout en évitant un ajustement monétaire. Aujourd’hui, grâce à toutes ces réformes, aux efforts de l’ensemble des États membres, ainsi que l’appui de nos partenaires, nous avons éloigné le spectre de la dévaluation », déclare-t-il.
Avant d’ajouter : « Actuellement, on a un niveau de soutenabilité qui se traduit par la capacité de couverture de 4,5 mois d’importation des biens et services, avec des réserves de change estimées à plus de 7000 milliards de FCFA, contrairement au niveau de performativité de 2016 où on était pratiquement à moins de la moitié de ce montant. Nous avons également consacré le renforcement des rétrocessions à la Banque Centrale. En 2008, cela représentait un peu plus de 3000 milliards de FCFA de rétrocession. En 2022, nous avons terminé avec 12 000 milliards de FCFA de rétrocession des devises à la Banque Centrale (…). Grâce à la réglementation des changes, nous sommes parvenus à renforcer notre politique de change, à assurer la soutenabilité extérieure de notre monnaie et à améliorer dans le même temps l’exploitation de la Banque et des finances publiques ».
Pour rappel, c’est à la suite de la chute des cours du pétrole intervenue en juillet 2014 que la zone Cemac (encore fortement dépendante des recettes issues de la vente des matières premières) s’est trouvée plongée dans une grave crise économique. Situation qui s’est aggravée avec la fuite des capitaux provoquée par le spectre d’une nouvelle dévaluation du Franc CFA. Les données officielles parlent de 913 milliards de FCFA qui ont par exemple quitté frauduleusement le Cameroun en quelques mois au cours de l’exercice 2016, à cause de la rumeur d’une autre dévaluation de la monnaie.
Parmi les mécanismes utilisés par les agents économiques pour faire sortir les devises, les experts citent, entre autres, les manœuvres pour éviter le rapatriement des recettes d’exportation, les transferts à l’étranger pour des motifs fantaisistes (paiement de fournisseurs fictifs, etc), la sortie physique des devises, etc…Un fléau qui a contribué à l’érosion rapide des réserves de change, obligeant le président Paul Biya à convoquer à Yaoundé (le 23 décembre 2016) , un sommet extraordinaire des chefs d’Etat de la Cemac