(EcoFinances) -Le 05 avril dernier, les présidents du Gicam (Groupement inter-patronal du Cameroun), Célestin Tawamba, et d’Ecam (Entreprises du Cameroun), Protais Ayangma, ont procédé, dans une grande solennité, à la signature du Traité de fusion des deux organisations patronales. Une fusion-création qui, tant sur la forme que sur le fond, pose un certain nombre de problèmes que dénonce le camp des contestataires et qui du point de vue de l’éthique et du droit rendent ladite fusion caduque. Les raisons avancées par les membres du Gicam, qui s’opposent à la mise à mort du Groupement programmée ce 11 juillet 2023, à travers une assemblée générale extraordinaire convoquée par M. Tawamba, ne manquent pas.
Violation de la lettre et de l’esprit des statuts du Gicam
D’abord, ce traité de fusion-dissolution du Gicam a, apprend-on, été signé en violation de la lettre et de l’esprit des statuts de la plus grande organisation patronale du pays. Les membres, qui sont les vrais propriétaires du Gicam, n’ont jamais été consultés. Célestin Tawamba, l’actuel président du Gicam, dont le second mandant s’achève au mois de décembre 2023, n’a pas pensé à soumettre son « fameux projet » à l’appréciation des membres dans le cadre d’une assemblée générale ordinaire et extraordinaire. Non, il a plutôt préféré se limiter au niveau du conseil d’administration.
Mensonges sur l’approbation du conseil d’administration et du Comité des Sages
Ensuite, selon le camp des contestataires du traité de fusion-création, il y a eu mensonge au sujet de la validation de ce traité de fusion-dissolution à la fois au niveau du conseil d’administration et du Comité des Sages du Gicam. « Le premier mensonge au sujet de l’approbation de la fusion par le conseil d’administration du Gicam remonte au 31 mars dernier. Le président du Gicam, pour justifier son initiative va indiquer, à travers un communiqué publié ce jour-là, que le conseil d’administration a approuvé cette démarche. Ce qui est évidemment faux ! Le 05 avril 2023, il nous a une fois de plus menti en soutenant que ce traité de fusion-création a été signé avec la bénédiction du conseil d’administration et du Comité des Sages. Or, nous savons qu’il y a eu des éclats de voix pendant la réunion du conseil d’administration du 05 mai dernier et même pendant la session du conseil d’administration du 30 mai 2023. Soit 25 jours après. Tout comme le Comité des Sages, qui s’est réuni le 25 mai 2023, s’est plaint d’avoir été saisi à contretemps, et a par conséquent instruit (après le constat de plusieurs irrégularités) le président du Gicam de surseoir à ce processus de fusion, afin que les conditions de fond et de forme soient réunies », indique un membre du Gicam, qui se demande ce qui cache derrière autant de mensonges.
Décision de la dissolution du Gicam au profit d’une nouvelle entité sans la consultation des membres
Face à une telle montagne de mensonges à des fins inavouées, la grande majorité des membres du Gicam se demandent, à 20 jours de l’assemblée générale extraordinaire du 11 juillet 2023, qui a qualité pour décider de la dissolution de leur Groupement. Les statuts du Gicam , si bien rappelés par l’ancien président du Gicam, André Siaka, par ailleurs membre du Comité des Sages, sont suffisamment clairs à ce sujet. « Ni le président du Gicam, ni le conseil d’administration du Gicam, n’ont qualité pour décider de la dissolution du Gicam. Seule l’AGE (Assemblée générale extraordinaire des membres) a, selon l’article 12, qualité pour décider de la dissolution du Gicam », souligne-t-il, dans une interview accordée récemment à nos confrères d’Eco Matin.
Déséquilibre entre les apports des uns et des autres (Gicam-Ecam)
L’une des questions qu’il faut bien se poser concernant cette affaire de fusion-création, qui s’apparente à une véritable escroquerie, c’est aussi celle de savoir ce que chaque organisation patronale apporte dans de cadre de ce mariage. Le Gicam c’est 1000 membres, 27 associations, un chiffre d’affaires de 8434 milliards de FCFA en 2021, un taux de 74,9% pour les entreprises modernes. Possédant 185 426 employés dans le secteur formel structuré, les entreprises du Gicam représentent une masse salariale de 895 milliards de FCFA. En 2020, ces dernières se sont acquittées auprès de l’État, d’un volume de taxes et impôts équivalent à 1525 milliards de FCFA. Soit 73,8% des recettes fiscales de l’État, et 39,7% du budget national.
A côté de cela, le Gicam met sur la table un patrimoine immobilier valorisé à plusieurs milliards de FCFA, situé à la rue des ministres à Bonanjo (quartier administratif à Douala). Tout comme il possède en son sein plusieurs structures en charge de l’encadrement des entreprises nationales comme le Centre de médiation et d’arbitrage du Gicam (CMAG), ou encore, le Centre de développement de la PME (CDPME), l’Observatoire de la Concurrence et de la Compétitivité du Gicam (OCC-Gicam), ; etc…En plus de cela, le Gicam jouit d’une forte réputation qui va au-delà des frontières du pays. Ce qui n’est pas le cas d’Ecam.
Contrairement au poids lourd qu’est le Gicam, qu’est-ce qu’Ecam met sur la table ? Selon les propos de plusieurs membres de son conseil d’administration, elle ne met sur la table que 400 membres (mais en réalité, cette organisation compterait à ce jour 49 membres dont 22 à jour de leurs obligations au 31 décembre 2022.) et son « expertise en matière de mobilisation des PME ». Ce que possède déjà le Gicam, qui est une référence en matière de stratégies d’entreprise et un excellent laboratoire d’encadrement des PME. En terme de patrimoine, Ecam ne possède aucun siège à son nom et n’a eu qu’un seul président à sa tête depuis sa création en 2009. Poids économique ? Rien à signaler (RAS) !
Un véritable label au même titre que celui des Lions des Indomptables
Emmanuel Wafo, PDG de Mit Chime et président de la commission Economie et développement de l’entreprise au Gicam, est pourtant suffisamment formel dans sa tribune adressée aux membres du Gicam il y a quelques jours. « Faut-il le rappeler, le Gicam a 66 ans d’existence et le chemin parcouru a été jonché de défis que les pères fondateurs et les générations actuelles ont su et pu relever grâce au travail acharné de tous et à des efforts qui ont permis de faire du Gicam plus qu’une organisation, mais une véritable institution dans l’environnement camerounais. Mieux, le Gicam est un patrimoine national que personne ne peut se permettre d’aliéner dans le simple but d’assouvir des desseins individuels », déclare-t-il.
Tout comme il ajoute : « (…) Le Gicam, qui est un label, et qui fait partie du patrimoine affectif national, au même titre que la marque ‘’ Lions Indomptables ‘’, est cette organisation faîtière qui ouvre ses portes à tous ceux qui voudront partager un ensemble de valeurs et contribuer à l’épanouissement du secteur privé et au développement de notre pays aux côtés de l’Etat pour le bien-être de nos populations ».
Syndrome du 3ème mandat
Une fois que ces différents arguments sont mis en avant par le camp des contestataires, qu’est-ce qui peut bien expliquer l’entêtement du président actuel du Gicam, dont le second mandat expire en décembre prochain ? Si ce n’est sa volonté de rempiler pour un nouveau mandat voire plusieurs mandats à la tête du patronat camerounais, comme le soulignent si bien les membres du Gicam qui s’opposent à la disparition du Gicam ? « Il est évident que la fusion-création, contrairement à la fusion-absorption, donne la possibilité à Célestin Tawamba de se représenter comme candidat à l’effet de se faire élire comme le nouveau président de la nouvelle Centrale patronale unifiée qu’il appelle de tous ses vœux, mais que nous contestons. Sinon, pourquoi refuse-t-il d’écouter la majorité des membres du Groupement ? », explique un chef d’entreprise, membre du Gicam.
Une analyse qu’approuve le leader de la contestation, Emmanuel Wafo. « Quand le syndrome du pouvoir éternel s’empare du patronat, nous bafouons nous-mêmes nos valeurs qui sont, entre autres, l’excellence, l’esprit d’équipe, l’intégrité, l’éthique, la solidarité toutes choses consacrées dans les statuts du Gicam », conclut-il.