(EcoFinances) – En dépit des investissements réalisés ces dernières années dans le secteur de la production des médicaments et produits pharmaceutiques, les importations de ces produits indispensables pour la santé des ménages et des entreprises ne reculent pas. Ce qui signifie qu’il y a assez de places pour de nouveaux investissements dans ce secteur d’activité.
Alors que les importations de produits pharmaceutiques se situaient autour de 100 milliards de FCFA en 2018, elles ont, entre 2019 et 2020 franchi la barre de 120 milliards de FCFA, comme l’attestent ces données du Commerce extérieur du Cameroun 2020 rendues publiques l’année dernière par l’INS (Institut national de la statistique).
En 2020, le Cameroun a importé 22 123 tonnes de produits pharmaceutiques pour une valeur de 133 milliards de FCFA, contre 18 927 tonnes des mêmes produits pour une valeur de 128,6 milliards de FCFA en 2019. C’est en moyenne 130 milliards de FCA qui ont ainsi été dépensés par an au cours de ces deux exercices. De l’argent pouvant financer la construction de deux second ponts sur le Wouri (ce dernier ayant coûté à l’Etat la somme de 120 milliards de FCFA).
En l’espace de moins de deux ans, la dépendance du pays aux médicaments et produits pharmaceutiques produits à l’étranger a donc cru d’environ 30% (soit 30 milliards de FCFA en moyenne). Une hausse qui peut s’expliquer par la demande interne sans cesse croissante, mais aussi par les moyens importants déployés par le gouvernement afin d’acquérir les médicaments et produits pharmaceutiques dans le cadre de la lutte contre l’actuelle crise sanitaire (Covid-19).
Incitations fiscales et douanières
Il s’agit là d’un signal fort que devraient capter les investisseurs nationaux et étrangers, qui souhaitent se déployer dans ce secteur d’activité.
Pour s’offrir une part non négligeable des plus de 130 milliards de FCFA que le Cameroun dépense désormais par an en matière d’achat de médicaments et produits pharmaceutiques, l’investisseur qui arrive rencontrera sans doute des concurrents (l’industrie camerounaise du médicament est composée de 07 fabricants) déjà actifs sur le terrain à l’instar d’ Africure, d’Afripharma, de SIPP et de Cinpharm qui ont une taille critique. Ces différentes industries revendiquent des investissements avoisinant la somme de 50 milliards de FCFA en quatre décennies d’activité.
Mais celui-ci ou celle-ci bénéficiera certainement des mesures d’accompagnement mises en place par le gouvernement depuis plus de dix ans. La loi du 18 avril 2013 fixant les incitations à l’investissement privé en République du Cameroun accorde des exonérations fiscalo-douanières aux nouveaux investissements du secteur productif.
Cependant, l’investisseur qui arrive dans ce secteur d’activité doit s’attendre à des défis ou difficultés.
L’investisseur devrait s’attendre à des défis
Car, d’après l’AAIM (l’Association des Industries du Médicament), la plupart des entreprises actives dans la production des médicaments et produits pharmaceutiques ne fonctionnent qu’à un taux marginal d’environ 20% de leurs capacités réelles. Et ceci, pour plusieurs raisons. Depuis 40 ans de présence, les industriels actifs dans ce secteur font, apprend-on, face au coût élevé et déloyal des articles de conditionnement de l’industrie du médicament du Cameroun. « Le carton et les suremballages plastiques des solutés à plus de 60 microns par rapport aux produits équivalents importés à 10 microns représentant 05 fois la production locale », a récemment indiqué la présidente de l’AAIM, Loe Gisèle Etame, au ministre du Commerce.
Un écueil qui selon l’AAIM peut être levé grâce à une dérogation pour la production locale des dispositions de l’Arrêté conjoint n°004/Minepded/Mincommerce du 24 octobre 2012 portant règlementation de la fabrication, l’importation et de la commercialisation des emballages non-biodégradables, interdisant l’utilisation des emballages plastiques non dégradables à basse densité inférieure ou égale à 60 microns d’épaisseur.
A côté de ce défi, le futur investisseur devrait aussi s’attendre à vivre cette autre difficulté rencontrée par les concurrents déjà présents dans ce secteur d’activité. Il s’agit de la rude concurrence déloyale des importations des produits pharmaceutiques en provenance de Chine et d’Inde, exonérés de tous droits et taxes au même titre que les matières premières pharmaceutiques bénéficiant d’une exonération conformément aux dispositions de la loi de Finances 2021. Un problème auquel s’ajoute un certain « flou » sur les intrants et équipements de fabrication pharmaceutiques.
Hormis ces défis, l’investisseur devra aussi s’attendre à faire face à la question du déficit énergétique et de la qualité de la connexion internet qui, ces dernières années, s’est nettement améliorée en raison d’importants investissements réalisés par l’Etat et ses nombreux partenaires afin d’améliorer l’offre.
Ces différents écueils sur le chemin du développement d’une véritable industrie du médicament et des produits pharmaceutiques sont sans doute à l’origine de la forte dépendance du pays de l’extérieur pour s’approvisionner en ces produits indispensables pour la santé des populations. Entre 2015 et 2017, le pays a importé, selon des données du Mincommerce, des médicaments d’un montant de 372 milliards de FCFA. Tout comme le faible contrôle du marché expliquerait en partie le fait que plus de 40% du marché échappe encore au circuit officiel.
A date, la production locale de médicaments ne représente qu’environ 5,7% du marché, soit environ 08 milliards de FCFA sur un marché total évalué à 140 milliards de FCFA par an.