(EcoFinances) – L’avion spécial, ayant à son bord le président de la République, Paul Biya, et son épouse, Chantal Biya, ainsi que ses proches collaborateurs et plusieurs membres du gouvernement, a décollé du tarmac de l’Aéroport international de Yaoundé-Nsimalen, ce lundi 02 septembre 2024 en fin de matinée, en direction de la Chine, à l’occasion de la 4ème édition du Forum de coopération Chine-Afrique.
Cet énième voyage du chef de l’Etat pour l’Empire du milieu, à l’invitation de son homologue chinois, Xi Jinping, permettra au président camerounais de renforcer non seulement les liens de coopération avec la Chine, mais aussi et surtout de solidifier les relations économiques et d’affaires qui existent depuis des décennies entre les deux pays.
L’importante rencontre qu’organise depuis plus de 23 ans (octobre 2000) l’usine du monde qu’est l’Empire du milieu aux fins de renforcer sa présence en Afrique lui a jusqu’ici permis de s’impliquer fortement dans le financement de nombreux projets de développement sur le continent. L’argent prêté aux Etats africains au cour des deux dernières décennies pour le développement s’élève à plus de 135 milliards de dollars US (environ 80 163 milliards de FCFA, selon le cours actuel du dollar). Mais rien qu’au Cameroun, les investissements chinois s’élèvent à plus de 3000 milliards de FCFA (près de 5,05 milliards de dollars). Ils sont d’ailleurs visibles et palpables à travers de nombreux projets d’infrastructures sortis de terre (ports, routes, barrages hydroélectriques, etc) ces dernières années.
Le choix porté sur la chambre de Commerce
Sauf que contrairement au dernier Focac (2018) où le chef de l’Etat avait pris le soin de se faire accompagner par le président du Gicam d’alors, Célestin Tawamba, en plus des ministres clés de son gouvernement, le président Biya a, cette fois (comme l’atteste si bien la liste officielle de sa forte délégation), pris le soin d’écarter l’ancien président du Gicam et actuel président du Gecam (Groupement des entreprises du Cameroun), Célestin Tawamba. Lequel s’est récemment fait élire ( dans un contexte de constestation) à la tête de cette nouvelle organisation patronale présentée comme plus unifiée et représentative du secteur privé.
Seul le président de la chambre de Commerce, de l’industrie, des mines et de l’artisanat (Ccima), Christophe Eken, qui attend d’être reconduit (au terme des élections de juillet dernier), a été retenu par le chef de l’Etat pour l’accompagner en Chine et pour porter la voix du secteur privé. Ce qui passe un peu mal au sein du secteur privé au Cameroun, pour la simple raison que la Ccima est un organisme consultatif (et représentatif des milieux d’affaires) dont les positions sont directement alignées sur celles du secteur public et ne saurait valablement défendre les intérêts du secteur privé comme le fait le Gecam (et surtout le Gicam, encore hier), aux côtés d’autres organisations patronales comme le Mecam (Mouvement des entrepreneurs du Cameroun) ou encore le Syndustricam (Syndicat des industriels du Cameroun).
Le cinglant désaveu du chef de l’Etat
Pour plusieurs chefs d’entreprises, la mise à l’écart du Gecam et de Célestin Tawamba de ce voyage présidentiel en Chine peut valablement être vu comme un désaveu de Paul Biya à l’égard de cette nouvelle organisation patronale (Gecam) née sur les cendres du Gicam, dans un contexte de crise sévère entre une très grande partie (près de la moitié) des membres du Gicam et le camp Tawamba , soutenu par l’ancien président d’Ecam (Entreprises du Cameroun), Protais Ayangma, désormais vice-président du Gecam.
« L’absence de l’actuel président du Gecam, Célestin Tawamba, qui (en passant) est l’ancien président du Gicam, est vraiment à questionner. C’est quand même très curieux que lui, qui est le président du Gecam, soit absent de la liste des personnalités retenues par le chef de l’Etat pour l’accompagner en Chine afin de participer à cet important événement. Il nous souvient que le Gicam a, depuis 2013, toujours fait partie de la délégation du chef de l’Etat dans le cadre de ses voyages officiels hors du territoire », indique un ancien membre du Gicam
Qui ajoute ,en guise de détails : « Invité en mars 2013 par son homologue turc pour participer au Forum économique Cameroun-Turquie, le président de la République emmène avec lui les membres du Gicam, du Mecam et de la Ccima. Tout comme le Gicam , représenté par Armel François (alors désigné par Célestin Tawamba) , fait partie de la délégation du chef de l’Etat au Forum économique Cameroun-Italie de mars 2017. Le président du Gicam, Célestin Tawamba, fait également partie de ceux retenus par le chef de l’Etat pour l’accompagner à la 3ème édition du Focac en septembre 2018 en Chine. Le président du Gicam, Célestin Tawamba, va d’ailleurs faire une grande publicité à ce sujet comme l’atteste son communiqué du 31 août 2018 ».
Persistance de la contestation de la fusion-dissolution du Gicam
Cette mise à l’écart du Gecam et de Célestin Tawamba de cet important moment de renforcement des liens économiques et d’affaires entre le Cameroun et la Chine intervient dans un contexte où le camp des contestataires de la fusion-dissolution du Gicam (Groupement inter-patronal du Cameroun) est encore devant les tribunaux (Tribunal de grande instance du Wouri) à Douala avec l’actuel président du Gecam, à qui l’on reproche d’avoir violé les textes et statuts du Gicam à l’effet de briguer un 3ème mandat à la tête du principal syndicat patronal du pays, via la création d’une nouvelle entité taillée sur mesure.
Emmanuel Wafo, PDG de Mit Chimie et président de la commission Economie et développement de l’entreprises du Gicam, dit, au lendemain de l’adoption du projet de fusion-dissolution porté par le camp Tawamba en juillet 2023, et à quelques jours de la création du Gecam (qui a lieu le 14 décembre 2023), faire entièrement confiance aux institutions judiciaires du pays qui , selon lui, sauront dire le droit le moment venu. Une position qui n’a pour l’heure pas changé.
« Nous voulons préciser ici que les démarches judiciaires en cours ont été engagées avec pour seul et unique objectif de faire manifester la vérité. Nous n’y avons ni renoncé, ni désisté. Nous faisons confiance en la justice de notre pays, pour mettre fin à toutes ces violations des textes du Gicam. En prenant appui sur l’avis du Comité des sages, nous appelons les uns et les autres à conformer leur conduite et leurs actes à notre loi commune », soulignait-t-il , avec force, dans une interview publiée le 07 décembre 2023 par les médias.
Forte présence de ministres concernés par les questions économiques du pays
Rappelons qu’en dehors du président de la Chambre de Commerce, Christophe Eken, et du directeur général de Camairco, Jean Christophe Ella Nguema, qui font partie de l’importante délégation du président de la République, Paul Biya, au 4ème Forum de coopération Chine-Afrique 2024, plusieurs ministres clés du gouvernement concernés par les questions économiques du pays sont d’ailleurs présents.
Il s’agit, pour les citer, du Minepat (ministre de l’Economie, de la planification et de l’aménagement du territoire), Alamine Ousmane Mey) ; du Minmidt par intérim (ministre de l’Industrie , des mines et du développement technologique) , Pr Fuh Calistus Gentry ; du Mint (ministre des Transports), Jean Ernest Masséna Ngallè Bibéhè ; du Mintp (ministre des Travaux publics), Emmanuel Nganou Djoumessi ; du Minader ( ministre de l’Agriculture et développement rural), Gabriel Mbairobe ; ainsi que du Minat (ministre de l’Administration territoriale), Paul Atanga Nji.
D’autres membres du gouvernement et proches collaborateurs du chef de l’Etat, à l’instar du Minrex (ministre des Relations extérieures), Lejeune Mbella Mbella ; du Mindef (ministre délégué à la présidence chargé de la Défense), Joseph Beti Assomo ; du ministre, directeur du Cabinet civil de la présidence de la République, Samuel Mvondo Ayolo ; du ministre chargé de mission à la présidence de la République, Mengot Victor Arrey-Nkongho ; du conseiller spécial du président de la République, contre-amiral Joseph Fouda ; de l’ambassadeur du Cameroun en Chine, Martin Mpana ; ainsi que du chef du Protocole d’Etat, Simon Pierre Bikele, font partie de la délégation.
Joseph Roland Djotié