(EcoFinances) – Au Cameroun, les 20% des ménages les plus riches absorbent 10 fois la consommation des 20% des ménages les plus pauvres, selon les principaux résultats de la 5ème Enquête camerounaise auprès des ménages (Ecam 5) publiés, le 24 avril dernier, par l’INS (Institut national de la statistique), qui précise que dix (10) millions de Camerounais sur les 27 millions d’habitants que compte le pays ont vécu dans la pauvreté en 2022. L’organisme public en charge de la production des données statistiques renseigne en effet que les principaux résultats indiquent une économie résiliente, mais confrontée à une pauvreté persistante et à une vulnérabilité accrue des ménages face aux divers chocs auxquels ils sont exposés.
« En 2022 (…), près de deux personnes sur cinq, soit 37,7%, vivent en dessous du seuil national de pauvreté estimé à 813 FCFA par personne et par jour. Avec ce seuil, ce sont environ dix (10) millions de personnes qui vivent dans la pauvreté en 2022, pour une population totale estimée à environ 27 millions d’habitants », souligne l’INS, qui ajoute que la consommation entre les riches et les pauvres reste inégale.
Globalement, cette situation s’explique par une série de facteurs, notamment une croissance économique insuffisante, les distorsions liées à la redistribution des richesses, ainsi que les différents chocs endogènes et exogènes liés au conflit russo-ukrainien et les fluctuations des cours mondiaux.
Plus de pauvres en zone rurale qu’en milieu urbain
A en croire l’INS, la pauvreté est plus répandue en milieu rural « où l’incidence est de 56,3% tandis que le milieu urbain enregistre une incidence beaucoup plus faible, et estimée à 21,6% ». Les régions de l’Extrême-Nord, du Nord-Ouest, du Nord, de l’Adamaoua, et l’Est sont, apprend-on, les plus pauvres ; avec des niveaux de pauvreté supérieurs à la moyenne nationale.
Pour parvenir à ces résultats alarmants, l’INS a retenu deux approches pour cette Ecam 5. « La première est celle qui a été utilisée pour les précédentes ECAM, de 2001 à 2021. La seconde, expérimentée avec succès en 2022, est nouvelle et promue par la Banque mondiale. Elle permet d’obtenir un indicateur de bien-être reflétant au mieux les habitudes de consommation des ménages au cours de l’année, car elle repose sur la consommation effective des ménages et prend en compte la saisonnalité de la consommation », explique l’INS.
Sur la base de l’ancienne approche, l’analyse des tendances allant de 2014 à 2021 montre, apprend-on, une augmentation du taux de pauvreté, qui passe de 37,5% à 38,6% sur cette période, s’écartant ainsi de la cible de 30,8% retenue dans la SND30. « Cette évolution est plus marquée en milieu urbain où le taux de pauvreté affiche une hausse plus significative, passant de 8,9% en 2014 à 16,5% en 2021 », fait-il savoir.
Accès à l’eau potable
En dépit de l’inégale répartition des richesses et de la pauvreté qui semble s’accentuer, l’étude menée par l’INS donne à voir une progression dans l’accès aux installations sanitaires améliorées et non partagées, avec un taux d’accès de la population de 47,7% en 2022 contre 40,4% en 2014. « En ce qui concerne l’accès à une source améliorée d’eau de boisson, des progrès encourageants ont été enregistrés.Quatre personnes sur cinq ont désormais accès à une telle source, que ce soit pendant la saison sèche (81,9%) ou la saison des pluies (80,6%), comparativement à 76,7% en 2014 », relève l’INS, soulignant que des efforts supplémentaires sont nécessaires pour garantir un approvisionnement en eau propre à la consommation pour l’ensemble de la population.
Inclusion financière
Hormis l’accès à l’eau potable qui s’améliore, il y a également des avancées significatives qui ont été réalisées dans le domaine de l’inclusion financière, avec 45,7% de personnes âgées de 15 ans ou plus détenant un compte dans une institution financière, utilisant le mobile money ou disposant d’une carte prépayée en 2022. « L’utilisation du service mobile money a particulièrement augmenté, passant de 29,9% en 2017 à 42,7% en 2022 pour l’ensemble de la population âgée de 15 ans ou plus », déclare l’organisation public en charge de la production des données statistiques.
Accès à l’électricité
L’eau potable et l’inclusion financière ne sont pas les seuls domaines ayant enregistré une certaine progression. Il y a également l’accès à l’électricité. Les principaux résultats de l’Ecam 5 permettent de voir que la proportion de la population ayant accès à l’électricité a légèrement augmenté pour se situer à 60,2% contre 58,4% en 2014. Mais l’étude relève toutefois le fait que des disparités significatives persistent entre les zones urbaines (87,6%) et rurales (28,4%). Tout comme, apprend-on, l’utilisation des énergies propres pour la cuisson reste faible, avec seulement 23,4% de la population utilisant des énergies propres en 2022. Concernant l’hygiène et la salubrité, la gestion saine des ordures ménagères reste un défi majeur, avec seulement 39,4% de la population évacuant leurs déchets de manière adéquate.
Mesures à déployer
Face à ces résultats préoccupants, l’INS formule une série de mesures visant le renforcement de la mise en œuvre de la SND30, tout en atténuant les chocs (par la réduction de leur risque de survenance ou l’assistance des personnes victimes) susceptibles d’aggraver la pauvreté. « Il s’agit de l’accélération des projets d’infrastructures économiques et des programmes de renforcement des capacités de résilience des populations, afin de soutenir les ménages vulnérables », conclut le récent communiqué de presse de l’INS.