(EcoFinances.Net) – Le Cameroun, qui a exporté des produits pour environ 65 milliards de FCFA par an entre 2020 et 2022 vers les Etats-Unis d’Amérique (USA), n’est pas épargné par la guerre commerciale du président américain Donald Trump au Monde entier. Le 02 avril 2025, le leader de la première puissance économique mondiale a décidé d’instaurer des droits de douanes d’au moins 10% sur tous les produits importés par les USA.
Comme l’essentiel des dizaines de pays du globe avec lesquels le pays de l’Oncle Sam entretient des relations commerciales depuis des décennies, le Cameroun se voit infliger un taux de 11% qui sera désormais imposé à toutes ses exportations en direction de ce grand pays d’Amérique du Nord. Sont ici concernés le tabac, le caoutchouc brut, le pétrole brut, le cacao et ses dérivés, le café, etc…
Une nouvelle escalade des tarifs, selon le Syndicat des industriels du Cameroun (Syndustricam) qui vient de publier un article (ce 07 avril 2025) sur la question. Ce dernier explique qu’en 2019, les USA, alors dirigés par le président Donald Trump, avaient suspendu le Cameroun de la liste des bénéficiaires de la loi sur la Croissance et les opportunités de développement en Afrique (AGOA), un régime préférentiel de commerce accordé aux pays d’Afrique subsaharienne éligibles, leur permettant d’exporter en franchise de douanes vers Washington. « Depuis lors, les produits Camerounais subissaient un tarif moyen d’environ 3% avec cependant des taux plus importants appliqués sur des produits tels que le tabac », fait savoir ce regroupement des industriels camerounais.
Cette situation va sans doute s’aggraver avec la récente mesure du président américain, puisque le taux imposé sur les produits d’exportations du pays passe de 11 à 22%. Mais le Syndustricam semble toutefois, et pour plusieurs raisons, relativiser l’impact immédiat de l’actuelle guerre commerciale du président américaine sur l’économie camerounaise.

Partenaire commercial modeste
Les USA étant un partenaire commercial modeste du Cameroun, le Syndustricam fait savoir que bien que les échanges commerciaux avec ce pays représentent pour certains acteurs une importance stratégique, il n’en pas moins vrai que lesdits échanges sont relativement limités en volume. En dehors de ce facteur, le Cameroun importe principalement des produits manufacturés, des équipements et des biens de consommations américains, tandis qu’il exporte vers l’Amérique des matières premières et quelques produits semi-transformés.
Sur les 194 milliards de FCFA de produits acheminés vers les USA entre 2020 et 2022 (soit 64,7 milliards par an), plus de 40% de ces recettes proviennent du pétrole brut dont les exportations ont été en hausse au cours de la période. « Le cacao et ses produits dérivés dont les beurres de cacao suivent avec plus de 62,3 milliards de revenus sur la période. On retrouve ensuite les bois grumes et sciés et le caoutchouc brut ; et dans une moindre mesure le café et le thé », fait savoir l’organisation patronale, qui ajoute qu’en dépit de la diversité de ces flux , la balance commerciale est généralement déficitaire pour le Cameroun.
Impacts de l’escalade des droits de douanes
Malgré ce relatif avantage, l’escalade des droits de douanes décidée par les autorités américaines aura, apprend-on, des effets sur les exportations camerounaises vers les États-Unis, mais ceux-ci devraient rester modérés dans l’immédiat. Et ceci, pour plusieurs raisons. La généralisation de la hausse des tarifs à l’ensemble des partenaires commerciaux des États-Unis limite, d’une part, le risque de perte de compétitivité relative. Ce qui signifie que le Cameroun ne sera pas désavantagé par rapport aux autres pays concurrents, puisque tous sont soumis au même durcissement tarifaire.
Mais d’autre part, la nature spécifique des exportations camerounaises vers les États-Unis (pétrole brut, cacao et dérivés, bois, caoutchouc brut) constitue un facteur d’atténuation. A en croire le Syndustricam, ce sont des produits de base ou semi-transformés, généralement peu substituables par la production locale américaine ; ces produits occupent souvent des segments de niche ou répondent à des besoins spécifiques de l’industrie américaine. Ce qui limite le risque d’éviction immédiate. Tout comme les filières concernées sont davantage exposées aux fluctuations des prix mondiaux qu’aux seules variations de droits de douane.

Vigilance
« Cependant, quelques points de vigilance méritent d’être signalés : la compétitivité des exportations camerounaises pourrait néanmoins être affectée face aux fournisseurs bénéficiant encore d’accords préférentiels ou de conditions tarifaires négociées ; la faiblesse du volume global des exportations camerounaises vers les USA (moins de 5 % du commerce extérieur total du Cameroun) masque un risque réel pour certaines entreprises fortement dépendantes de ce marché ; à moyen terme, la persistance d’un climat commercial hostile pourrait inciter certains acheteurs américains à diversifier durablement leurs sources d’approvisionnement », prévient le Syndustricam. Qui invite le Cameroun à rester vigilant (en anticipant d’éventuels repositionnements stratégiques de ses filières exportatrices), même si l’impact immédiat semble contenu.
Effet domino aux conséquences néfastes
D’après l’association des industriels du pays, il est également à redouter un effet domino aux conséquences potentiellement très néfastes. Car, plusieurs effets indirects sont particulièrement à craindre par les industries et l’économie camerounaise en général : une nouvelle perturbation des chaînes d’approvisionnement mondiales ; une escalade des mesures protectionnistes mondiales ; une contraction potentielle des Investissements Directs Étrangers (IDE) ; et enfin, des contraintes sur l’accès aux financements extérieurs et sur les conditions de crédit.
Joseph Roland Djotié